Poussée vers les ténèbres: le drame de la société TikTok

Publié le par Magda Rita Maffezzoli

Bonjour chers parents,

Voilà où nous en sommes... Les parents sont-ils à blâmer ? La réponse est bien plus complexe qu'un simple OUI ou NON car nous devrions nous poser la question suivante; quand a commencé la DERIVE et avec quelle génération?

Cordialement,

Magda

Poussée vers les ténèbres: le drame de la société TikTok

En janvier dernier, certains journaux annoncèrent qu’aux États-Unis, une école avait retiré tous les miroirs des toilettes. Motif:

Les élèves avaient pris l’habitude de s’y rendre pour se filmer pour, ensuite, diffuser les vidéos sur TikTok. Certains élèves séchaient même les cours pour créer du contenu pour la plateforme chinoise. D’autres allaient jusqu’à neuf fois par jour dans les sanitaires1.

Interrogé, le responsable des relations publiques pour le système scolaire de la région de l’Alamance, Les Aktins, expliqua:

Nous essayons d’éduquer les élèves : nous avons tous des téléphones portables aujourd’hui. Nous devons apprendre à les utiliser. Nous devons également apprendre quand les poser1.

La méthode radicale utilisée dans cette école de Caroline du Nord démontre la gravité du phénomène.

La partie émergée de l’iceberg

Automutilation et le suicide

Les États-Unis ne sont pas le seuls touchés. En France, trois associations existent, qui dénoncent et tentent d’agir contre la surexposition des enfants aux écrans : Lève les yeux, Alerte écrans et CoSE (Collectif Surexposition écrans)2. Elles soutiennent un collectif crée récemment par MLaure Boutron-Marmion, une avocate spécialisée en défense des mineurs. Son nom: Algos Victima.

Ce groupe « réunit des familles détruites par le suicide d’un enfant ou souffrant de sévères problèmes de dépression ou troubles alimentaires. En cause ? Des contenus inappropriés ou violents qui nourrissent l’algorithme de TikTok et entraînent un cercle infernal de vidéos dangereuses pour des adolescents déjà fragiles3. » Me Boutron-Marmion raconte :

En tant qu’avocate spécialisée dans la défense des mineurs depuis de nombreuses années, je constate les dégâts des plateformes depuis très longtemps […] L’affaire de Marie [une adolescente victime de harcèlement scolaire qui s’est suicidée en 2021 à l’âge de 15 ans5] a été un déclencheur.

Lors du travail d’investigation mené par ses parents et moi, nous nous sommes rendu compte que dans les derniers mois de sa vie, Marie était finalement devenue addict à TikTok et qu’elle avait produit des contenus qui n’avaient pas été censurés, mais aussi reçu des contenus du même type [vidéos de scarifications, méthodes pour se suicider6], et que cela avait favorisé son passage à l’acte.

En septembre dernier, j’ai donc déposé plainte conte TikTok pour provocation au suicide. À la suite de ce mouvement, de nombreuses familles m’ont contactée pour me dire qu’elles vivaient la même chose. C’est ainsi qu’est née l’idée d’aller plus loin.

Le collectif que j’ai fondé, intitulé: Algos Victima, est à visée judiciaire, et la première étape envisagée est de porter un recours collectif contre TikTok4.

La santé mentale dévastée

La gravité du phénomène est telle qu’en 2023, Amesty International a publié un rapport accablant contre TikTok7. Intitulé : Poussé(e)s vers les ténèbres, le sous-titre explique: « Comment le fil “Pour toi” encourage l’automutilation et les idées suicidaires ».

Ce travail confirme, si besoin était, que la santé mentale des jeunes à travers le monde se détériore. Il dénonce « la progression avérée de l’anxiété, de la dépression et de l’automutilation chez les adolescent(e)s aux États-Unis et dans d’autres pays anglophones dans les années 2010, laquelle s’est accélérée pendant la pandémie de COVID-197. » (p. 22).

Le monde anglo-saxons n’est pas le seul concerné. Les auteurs ajoutent:

 Bien que les éléments attestant une tendance similaire dans d’autres régions du monde soient limités, en partie faute de données, l’ampleur des besoins non satisfaits en matière de santé mentale dans le monde est de plus en plus reconnue.

Selon la base de données Global Health Data Exchange, environ une personne âgée de 10 à 19 ans sur sept dans le monde souffre de problèmes de santé mentale, et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a signalé que l’anxiété et la dépression étaient particulièrement répandues.

Les spécialistes de la santé publique estiment que la proportion de jeunes présentant des problèmes de santé mentale est probablement plus haute en Afrique subsaharienne que dans les pays à revenu élevé, bien que le manque de données représentatives pour certaines parties de la région et les déclarations probablement inférieures à la réalité en raison de l’absence de services abordables et de la stigmatisation sociale entravent la compréhension et la prise en charge de la question7. (p. 22).

Une grande partie de notre planète mondialisée est donc atteinte par les problèmes de santé mentale chez les jeunes. Faut-il s’en étonner? La mondialisation ne concerne pas seulement l’exploitation économique. Véhiculant une image matérialiste de l’Homme, elle crée un univers désenchanté où la vie n’a plus aucun sens.

La partie immergée de l’iceberg

Certains m’objecteront que si un jeune sur sept présente des troubles mentaux, six sur sept sont sains d’esprit. Voire… car la surexposition aux écrans provoque d’autres troubles, souvent moins spectaculaires, mais graves de conséquences.

Incapacité à se concentrer

Je pense notamment aux problèmes liés à la concentration. En septembre 2021, le site Funtronic publia un article intitulé: « Un nouveau fléau: les problèmes de concentration chez les enfants. Comment y faire face?8 » L’auteur soulignait:

Ce problème touche de plus en plus d’enfants. Les troubles de la concentration ne sont pas sans conséquences: ils rendent les apprentissages difficiles et entraînent des troubles émotionnels8. 

Premier coupable désigné: le téléphone portable. On lit:

Les problèmes de concentration sont en grande partie une conséquence du monde dans lequel nous vivons et de la manière dont nous élevons les enfants, en les plaçant dès leur plus jeune âge devant des écrans de télévision et des ordinateurs portables en leur tendant des téléphones avant qu’ils ne puissent parler.

Pour se concentrer, le cerveau d’un enfant a besoin de se focaliser et de se séparer des stimuli externes. Et cela devient de plus en plus difficile de nos jours. Les stimuli émotionnels et les « distracteurs » (stimuli distrayants) absorbent nos ressources cognitives.

Sous leur influence, il est difficile d’assimiler des informations importantes. Cela s’applique à nous tous mais pour les enfants élevés avec un téléphone portable à la main, la concentration est beaucoup plus difficile que pour les adultes8.

Constat unique? Nullement.

En 2018, un blogue dédié au soutien scolaire titra: « Le temps de concentration moyen est en baisse chez nos ados9« . Se fondant sur une étude publiée par Microsoft, l’auteur déclarait:

Le smartphone, premier coupable du manque de concentration. 200: c’est le nombre de fois qu’un ado consulte son téléphone en moyenne par jour. En effet, entre textos, notifications Facebook, Snapchat, Instagram, What’s App et on en passe … l’enfant est constamment stimulé et se déconcentre à tout bout de champ!

Plus il reçoit de notifications plus il a peur de passer à côté de quelque chose : c’est le syndrome de FOMO « Fear Of Missing Out » [Peur de passer à côté]. Sauf qu’il met environ 23 minutes pour retrouver sa concentration après avoir regardé son téléphone9.

Deux cents fois en seize heures environ, cela se monte à douze fois par heure, soit une fois toutes les 5 minutes. Il en résulte des enfants et des adolescents incapables de se concentrer.

Professeur dans des classes qui préparaient aux concours paramédicaux (c’était en 2014), je l’avais noté. Les élèves ne cessaient de consulter furtivement leurs téléphone mis en mode vibreur. Ayant pris sur le fait une adolescente moins discrète, je lui avais demandé: « Qu’attends-tu de si important? » Elle me répondit timidement que la notification concernait la mise à jour d’une application… Bref, rien d’important ni d’urgent. Mais il ne fallait rien manquer.

Une addiction bien réelle

Le portable était devenu un appendice de leur corps. Un peu comme un cœur artificiel: ils ne pouvaient plus s’en passer. A chaque intercours, ils profitaient des dix minutes de pause pour se précipiter dessus et consulter leurs messages avant de regarder des vidéos courtes : blagues vulgaires, scènes graveleuses ou violentes, non-événement… c’était consternant.

Mais est-ce surprenant ? Depuis le mois de mars, prenant régulièrement le train et les transports en commun pour aller donner des conférences, j’observe les voyageurs. Les jeunes ne sont pas les seuls à être rivés sur leurs portables : une grande partie des adultes l’est aussi. Très peu lisent un long texte : la plupart jouent à des jeux inintelligents ou font défiler leur écran (« scrollent » en langage moderne) pour s’arrêter quelques secondes, à chaque fois, sur un fait divers, une photo ou un message.

Dès lors, comment ces adultes pourraient-ils interdire aux jeunes d’être sans cesse fixés sur leur écran, puisqu’ils sont, eux aussi, fascinés par leur téléphone portable, à regarder des vanités ?

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