Hymne à la joie par 10 000 japonais
Dix mille japonais chantent la 9ème de Beethoven
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Durée 1h
A lire ce titre, vous pouvez vous demander: "10 000 quoi?". Il s'agit de choristes.
Comme vous devez être beaucoup comme moi à ignorer de quoi il s'agit, je vais vous en raconter l'histoire.
Chaque année, au Japon, depuis 30 ans, on chante "la Daïku". Vous ne connaissez sans doute pas plus que moi ce mot. Chaque Nouvel An, les japonais forment un choeur de 10 000 amateurs, pour chanter l'Hymne à La Joie de la Neuvième Symphonie de Beethoven, sur des paroles de Schiller. Et ils la chantent en allemand!!! Imaginez vous chanter une oeuvre magistrale en japonais avec 10 000 autres personnes, qui ne lisent pas la musique pour la plupart et ne savent pas les paroles! Et bien, eux, nos amis japonais, ils le font chaque année!!!
En 2011, c'est l'Orchestre de Sendaï, dont nous connaissons désormais tous le nom depuis le tsunami de Fukushima, la ville et ses environs, tout ayant été ravagé. A sa tête Yutaka Sado.
Ce chef d'orchestre mondialement connu, n'était pas très enthousiaste pour se lancer dans l'aventure. Diriger des amateurs, sans connaissance musicale l'inquiétait un peu. Et pour lui, chanter l'Hymne à la Joie après le tsunami lui paraissait difficile. Tant de morts, de destruction, des villes ravagées, des familles en deuil, cela lui semblait impossible.
Juste après le tsunami, il est venu en Europe. Il a découvert que tous les pays s'étaient mobilisés pour récupérer des vêtements, des couvertures, tout ce qui pouvait être utile pour aider le Japon. Il l'explique avec les larmes aux yeux, et c'est bouleversant. Alors, il a décidé de se lancer dans l'aventure en remerciement. "Pour une fois, les humains étaient tous frères" conclut-il, et cela lui parut tout à coup plus important que ses craintes.
Il a fait répéter ensemble des grands-pères de plus de 70 ans, des enfants, des jeunes, des vieux... Il y a mis tout son enthousiasme, et j'oserais dire, toute sa force. On le voit "faire la vague" avec les choristes pour leur expliquer le rythme de la musique, il leur parle, il les motive. On est bien au delà d'un travail de chef d'orchestre, cette puissance de persuasion, on la ressent comme une force qui devient palpable au fur et à mesure que le choeur apprend à chanter ensemble.
Pendant ces préparatifs, on interviouve une jeune fille. Elle a perdu certains membres de sa famille, mais ses parents sont toujours là. Ils ont tout perdu, mais elle viendra chanter quand même.
Arrive le concert, tous les hommes sont en costume noir, chemise blanche, noeud papillon, les femmes en chemisiers blancs. Ils sont 10 000 dans le JO-Hall d'Osaka. L'orchestre attaque. Solistes, instruments, choeurs, tout s'emboite, tout fonctionne ensemble. Et c'est magnifique. Certains puristes (ceux que je vois parfois dans les concerts avec les partitions sur les genoux, suivant au lieu d'écouter et de se laisser porter par la musique par exemple) me diront peut-être que ce n'est pas la meilleure interprétation de l'Hymne à la Joie qu'ils ont entendue. Je ne suis pas musicologue, et je me fiche du tiers comme du quart de savoir si la prononciation est parfaite et les rythme sans défauts. Pour moi, cette version amateur restera la plus belle que j'ai jamais entendue. Parce que la plus vraie, la plus authentique, la plus émouvante. Au delà de l'interprétation, c'est le visage transpirant de Yutaka Sado, la force qui émane de ses gestes, ces visages jeunes, vieux, qui chantent la Joie dans leur pays en ruine.
Vous pouvez rire de moi, dire que je suis bêtement sentimentale, tout ce que vous voulez, je m'en moque complètement, j'assume! Cela restera un souvenir unique. Les sourires des chanteurs à la fin, quand ils applaudissent, le visage de Yutaka Sado, ruisselant, à la limite entre les larmes et la satisfaction, tout ça est un moment à part qu'on ne peut expliquer. On ne peut que le ressentir.
Il y a des moments comme ça dans la vie, qui durent peu, mais qui changent parfois complètement votre façon d'être et de penser. Celui ci est un moment comme ça. Une heure exceptionnelle. Merci à Arte de m'en avoir fait profiter.
Alors, chers amis, si vous avez un toit au dessus de votre tête, de quoi manger dans votre assiette, des enfants en bonne santé, les gens que vous aimez autour de vous, estimez vous heureux en cette fin d'année. Certains ont perdu leur maison, leur famille, tous leurs biens, et ils ont trouvé le courage de chanter aujourd'hui.
Sacrée leçon pour ce dernier jour de l'année!!!!
Je vous souhaite à tous une très belle année 2012, pleine d'optimisme si possible, en espérant qu'elle sera un peu meilleure que 2011. En ces temps troublé et, difficiles, peut-être pourrait-on faire un peu le tri dans nos besoins et essayer d'aller à l'essentiel? Le superflu n'est pas l'indispensable, et si nous devions nous en passer quelque temps pour sortir de cette passe difficile, en serions nous moins heureux pour autant?
Alors si parfois le coeur nous manque, si on est découragés, si on essayait de chanter?